Entre growl, scream et chant clair : décryptage des techniques vocales du métal

21 avril 2025

Le growl : la bête rugissante du death metal

Le growl, signe indissociable du death metal et parfois du black metal, est une technique gutturale qui évoque un rugissement primitif. Enveloppant des paroles souvent incompréhensibles sans livret, le growl est pourtant un outil fascinant qui demande une maîtrise vocale insoupçonnée pour transmettre des idées d’agressivité, de désespoir ou encore de chaos intérieur.

Comment fonctionne le growl ?

Le growl utilise une vibration des fausses cordes vocales, également appelées plis vestibulaires. Contrairement aux cordes vocales principales, qui produisent notre voix parlée, ces fausses cordes permettent de créer une texture sonore rauque et intense. Le son n’est pas « crié », mais projeté à partir du diaphragme, mélangé à une résonance grave amplifiée par la gorge et parfois la poitrine. L’objectif est de produire un timbre profond sans abîmer les cordes vocales.

  • Il ne s'agit pas de forcer la voix, mais de maîtriser l'art de la résonance.
  • Cette technique demande une excellente gestion du souffle et une respiration diaphragmatique pour éviter la fatigue.
  • Le growl peut se décliner : le growl grave (proche du guttural) ou le growl médium, plus modulé.

Des artistes emblématiques comme George “Corpsegrinder” Fisher (Cannibal Corpse) ou Mikael Åkerfeldt (Opeth, dans ses premiers travaux) illustrent parfaitement la richesse et la diversité des growls dans leurs sonorités.

L'origine et l'évolution

Bien que le growl soit désormais associé au death metal des années 1980, ses premières formes se retrouvent dans des traditions vocales culturelles, comme les chants gutturaux mongols ou tibétains. Ces influences, volontairement ou non, ont façonné les expérimentations des premiers groupes de métal extrême, comme Death ou Morbid Angel. Aujourd'hui, certains chanteurs expérimentent des fusions, croisant growl et chant clair, un style devenu courant dans des groupes de metalcore comme Killswitch Engage.






Le scream : la clarté à travers le chaos

Le scream est largement utilisé dans le black metal, le metalcore et d'autres sous-genres exigeant une énergie tranchante. Contrairement au growl, qui mise sur des basses fréquences, le scream privilégie un registre aigu et strident, véhiculant une gamme d’émotions plus variées : de la rage à la mélancolie intense.

La technique derrière le scream

Le scream utilise les cordes vocales principales, contrairement au growl. Cependant, la distorsion vient d'un mélange entre l'air forcé à travers les cordes et une attaque contrôlée de celles-ci, produisant des harmoniques aigus ou saturés. De plus, comme avec le growl, le soutien diaphragmatique est essentiel.

  • Le scream peut être plus "net" (high scream) ou plus rugueux (fry scream), selon la manière dont le chanteur le travaille.
  • Un scream bien réalisé doit minimiser la tension vocale pour éviter des dommages permanents.
  • L’importance de l’échauffement vocal est cruciale : des exercices comme le lip roll ou les sirènes vocales sont souvent pratiqués par les professionnels.

Des artistes comme Dani Filth (Cradle of Filth) ou Oli Sykes (Bring Me the Horizon, période Suicide Season) illustrent l’impact du scream et ses diverses modalités. Le premier explore des capacités quasi-théâtrales, tandis que le second a popularisé le scream auprès d’un public plus jeune et varié.

Entre technique et émotion

Bien que techniquement complexe, le scream est souvent utilisé pour transmettre des sentiments crus. La technique ne suffit pas : elle doit être portée par une authenticité et une intention émotionnelle. C’est dans cette alliance que la magie du scream prend vie.






Le chant clair : une puissance expressive dans sa pureté

Le chant clair, bien qu’il ne soit pas exclusif au métal, prend une place unique dans le genre lorsqu’il est utilisé en contraste avec le growl ou le scream. De groupes comme Iron Maiden à Nightwish, le chant clair reste un pilier permettant d’apporter une dimension émotionnelle à la fois directe et universelle.

Comment le chant clair fonctionne-t-il dans le métal ?

Le chant clair repose sur l’amplification naturelle des cordes vocales sans distorsion excessive. Ce type de chant peut varier en intensité et en technique selon les chanteurs. Certains adoptent une technique classique (comme Tarja Turunen, ex-Nightwish, formée à l’opéra), tandis que d’autres utilisent un dynamisme plus rock (comme Bruce Dickinson d’Iron Maiden).

  • Respiration et modulation : le chant clair exige une grande maîtrise du souffle pour stabiliser les notes longues ou les montées en puissance.
  • Registres : dans le métal, les registres du chant clair varient du baryton grave à la soprano dramatique.
  • Projection : Les chanteurs doivent souvent travailler leur projection vocale pour dominer le mur sonore des instruments.

Un atout mélodique et émotionnel

L’utilisation du chant clair dans le métal est particulièrement efficace pour créer une atmosphère narrative. Dans les sous-genres tels que le power metal ou le symphonic metal, il sert de véhicule principal pour transmettre des récits épiques. Pour le djent ou le prog metal, ce chant clair peut servir de contraste, notamment lorsqu’il est alterné avec le scream ou le growl.

Des figures comme Devin Townsend, Maddie Kristoffersen (Spiritbox) ou encore Tobias Forge (Ghost) démontrent comment le chant clair peut sublimer des compositions, tout en accentuant l’identité propre de chaque groupe.






Alternances, hybridations et défis vocaux

Dans beaucoup de sous-genres contemporains, du metalcore au melodic death metal, les chanteurs mélangent désormais chant clair, scream et growl dans un même morceau. Cette hybridation exige une endurance vocale toutefois rare. Mélanger les techniques sans transition fluide ou sans maîtrise peut rapidement abîmer les cordes vocales.

Des groupes comme A Day to Remember, Architects ou encore Gojira illustrent cette capacité à osciller entre puissance brute et nuances vocales plus subtiles, attirant ainsi un public à la recherche d’intensité et de variété émotionnelle.

L’entraînement est la clé pour ces chanteurs. De nombreux vocalistes suivent des techniques issues du théâtre ou de la musique classique pour renforcer leur performance. La méthode « Speech Level Singing » ou des cours intensifs avec des coaches vocaux spécialisés dans le métal sont désormais communs, même chez les artistes de renom.






Une théâtralité vocale au service de l’émotion

Growl, scream et chant clair ne sont pas de simples outils musicaux : ils incarnent des mondes d’émotions et des expressions culturelles d’une intensité rare. En comprenant ces techniques, vous découvrez non seulement les subtilités sonores du métal, mais aussi les prouesses de ceux qui manipulent leur voix pour transcender les limites de ce que nous considérons comme de la musique.

La prochaine fois que vous écouterez vos morceaux favoris, prêtez attention à ces nuances. Vous découvrirez dans chaque cri guttural, note claire ou hurlement, une histoire, une intention, et surtout, une véritable performance technique et artistique.






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